Si l'on retrace l'état des lieux en matière de traditions orales depuis 1960 (les indépendances), le contraste entre deux périodes est flagrant : Dans les années 1960 et 1970, les traditions orales furent mises en vedette. Leur collecte et leur exploitation figuraient dans les programmes et les lignes budgétaires de l'UNESCO ( Amadou Hampâté Bâ fut membre du conseil exécutif de 1962 à 1968), et de l'ACCT (Agence de Coopération Culturelle et Technique, devenue Agence internationale de la francophonie). Des instituts spécialisés furent créés en Afrique (CELTHO, Niger). De toute urgence, les jeunes Etats africains devaient se doter d'une histoire qui entrait dans les manuels scolaires. Chez les chercheurs francophones (que les anglophones avaient devancés d'au moins une génération) le petit livre de Jan Vansina De la tradition orale, essai de méthode historique (1961), unique en son genre à l'époque, eut une importance capitale. La production historiographique relative aux périodes anciennes, et axée sur les grands édifices politiques, fut considérable pendant ces deux décennies. Depuis 1980 ce grand élan est retombé. Plusieurs facteurs (politiques, économiques, conceptuels) se conjuguent de telle façon que les recherches de terrain en histoire dite précoloniale se raréfient, et que la place du contemporain grandit sans mesure aucune. Cependant ce reflux s'accompagne d'avancées sur le plan méthodologique. Vansina en 1985 (Oral Tradition as History) et Henige entre autres, ont recensé avec minutie les pièges qui guettent l'historien de terrain, les diverses causes d'altération et d'instrumentalisation des récits historiques. Ces analyses fines et pertinentes, même si elles aboutissent sous la plume de leurs auteurs à une mise en doute quasi-systématique, et sans examen au cas par cas, des traditions orales, qui est bien dans l'air du temps, ne peuvent que bénéficier aux chercheurs qui ne délaissent pas l'histoire de l'Afrique dans la longue durée. Ceux-ci, autre avancée, ont intégré dans leur territoire les sociétés « sans Etat », jusque-là réputées sans histoire » et abandonnées aux investigations des ethnologues. Il s'agit ici premièrement des traditions orales, c'est-à-dire se rapportant à un passé éloigné, et volontairement retenues et transmises d'une génération à l'autre. Cependant il n'est pas exclu qu'il soit fait place dans ce panel aux témoignages oraux portant sur les périodes coloniale et postcoloniale, source souvent négligée quand les chercheurs ont à disposition quantité d'archives écrites.