La mondialisation capitaliste semble dessiner un nouvel avatar du Grand Partage dans lequel la fracture est de moins en moins entre les riches pays européens et les pauvres pays africains et de plus en plus au sein de chaque société locale qu'elle traverse et qu'elle divise de plus en plus profondément en classes sociales inclues ou exclues de l'accès aux ressources, au revenu et à la consommation. Le développement participe ainsi pleinement du processus de mondialisation qui a engendré ce fameux « paradoxe identitaire » qui, d'un côté, articule les processus d'individualisation à l'aggravation des inégalités sociales et, de l'autre, articule l'homogénéisation progressive des modes de vie matérielle à des formes radicales de revendication de différences culturelles ou identitaires. En Afrique, l'inscription « locale » du « global » mondialisé se traduit entre autres par un processus d'urbanisation massive et continue qui tend vers l'homogénéisation des morphologies urbaines, l'implantation locales des réseaux mondiaux de communications immédiates (téléphonie, internet, télévision), l'ouverture des marchés nationaux à la concurrence internationale et l'implantation des réseaux transnationaux des multinationales, des flux financiers très réactifs (les déplacements des fonds de pensions américains), la prolifération des intégrismes religieux, des églises et des sectes, une interdépendance accrue entre l'ensemble des populations humaines, que ce soit pour le contrôle ou l'accès aux ressources naturelles non renouvelables (énergie, terre, eau), l'exposition à des risques de pollution majeure ou d'épidémie liée à la transhumance de virus mutants ou les migrations de populations touristiques du Nord vers les Suds et des travailleurs immigrés et réfugiés des Suds vers le Nord. La mondialisation pose donc au chercheur, de manière aigue, la question de la délimitation des espaces d'analyse et des cadres contextuels inhérents au déploiement des phénomènes de changement social et des activités de développement. Cependant, dans leurs tentatives d'élaboration de nouvelles totalités pour interpréter les contrastes inhérents à ce « paradoxe identitaire », les analyses contemporaines divergent beaucoup. Deux logiques explicatives dominantes semblent ici s'opposer radicalement : d'un côté, une interprétation des phénomènes en termes de « différences culturelles » (l'oekoumène global de Ulf Hannerz, les mondes imaginés (scape) des diasporas transnationales et déterritorialisées d'Arjun Appadurai) et de l'autre, une interprétation marxiste en termes d'« inégalités sociales » (les « Systèmes-monde » de Wolf ou de Friedman). Où en est-on de la capacité de l'anthropologie à construire autrement ses cadres contextuels et conceptuels et sa méthode de recherche ' c'est, entre autres, à cette question qu'un atelier pourrait se consacrer.