L'historiographie africaniste, au lendemain des indépendances, s'est principalement construite en opposition à une histoire coloniale impérialiste. La réémergence depuis une vingtaine d'années de l'histoire coloniale, par le biais notamment d'un développement important des études coloniales dans les universités anglo-saxonnes (Colonial and Post-colonial Studies), nous invite à repenser l'articulation et les intersections entre histoire coloniale et histoire africaine. Tout en tenant compte de la multitude et de la complexité des situations coloniales sur le continent africain, nous souhaitons engager une réflexion sur les diverses sources de l'histoire de l'Afrique sous domination française (archives coloniales, enquêtes orales, objets d'art, photographies, etc.) et envisager ainsi comment celles-ci attestent de l'émergence d'identités mixtes et complexes, de l'histoire d'un métissage culturel plus ou moins profond qui rend illusoire toute dichotomie ferme entre colonisateurs et colonisés. Isabelle Denis se propose d'analyser les sources écrites et orales de l'histoire de Mayotte au XXe siècle et de montrer comment leur étude peut s'inscrire dans un travail de mémoire du fait colonial. Christelle Lozère aborde la question de « l'objet colonial » en étudiant les objets africains présentés dans les expositions coloniales provinciales françaises de la fin du XIXe siècle au début XXe siècle. Ces objets sont à la fois les témoins en France de l'histoire africaine, mais en même temps sélectionnés et disposés dans un cadre colonial, et donc « colonisés ». Nathalie Rezzi s'intéresse aux relations entre populations locales et gouverneurs au travers des assemblées locales et notamment des conseils privés et des conseils généraux et montre ainsi l'éclairage spécifique que donnent les archives sur la place des créoles d'Afrique dans l'organisation coloniale, et les sentiments complexes qu'ils développent vis-à-vis de la métropole. Marie Rodet s'intéresse à la (non) visibilité du travail des femmes de la région de Kayes dans les archives coloniales (1919-1946). Par une approche en terme de genre de ces archives, elle montre comment, pour écrire l'histoire du travail des femmes africaines en situation coloniale, il est important d'analyser celui-ci dans le cadre d'une histoire sociale relationnelle.