L'étude du travail a souffert du discrédit que portait sur elle la question de sa légitimité : occidentale et historiquement construite, la notion de travail ne se transpose pas commodément à toutes les sociétés. D'où le parcours hésitant d'une anthropologie du travail qui ne s'est jamais constituée comme telle. En plus d'être hésitant, ce parcours est entamé tardivement par les africanistes français. Contrairement à leurs confrères anglais en effet, les ethnologues français contemporains de la période coloniale détournent pudiquement leurs regards du travail autant que du politique. L'espace laissé par ce silence n'est pas investi avant 1952, date de la parution d'un numéro spécial mais isolé de Présence africaine consacré au travail en Afrique. Et lorsque, une dizaine d'années plus tard, l'anthropologie économique d'inspiration marxiste prend en charge le thème du travail, c'est en privilégiant très nettement les rapports de production au détriment des procès de travail eux-mêmes. A la suite de l'abandon du champ de l'économie par l'anthropologie, le travail est abordé du point de vue de ses représentations. Dans le sillage des travaux de l'helléniste Jean-Pierre Vernant, des historiens et des anthropologues s'intéressent aux discours qui accompagnent la production des biens nécessaires au groupe social. Aussi sinueux qu'il puisse être, ce parcours mérite que l'on en retrace les nombreux apports. Les connaissances sur l'Afrique qu'il aura permis d'acquérir consistent en effet en données empiriques (sur l'organisation de la production, sur les procès techniques, sur le temps de travail'), et concernent aussi bien la division (notamment sexuelle) du travail, son histoire, la relation entre travail et politique, ou encore celle entre travail, religion et rituel. Dans le même temps, toutes ces données déjà recueillies ne rendent pas moins nécessaires de nouvelles recherches africanistes sur le travail qui verraient en lui une catégorie proprement anthropologique.