La linguistique africaine a connu une période faste dans les années qui ont suivi la décolonisation. Il s'agissait alors d'inventorier les langues des états naissants : vastes chantiers d'atlas linguistiques ; approche des langues largement tributaire d'une conception ethnologique traditionnelle qui associe population-territoire-langue. En l'absence de tradition grammaticale, la priorité était donnée au travail sur corpus oral. Un demi-siècle plus tard, l'enthousiasme de cette période s'essouffle. L'ampleur de la tâche de description de milliers de langues par un nombre insuffisant d'enquêteurs, l'instabilité politique qui a fermé nombre de terrains, voire le caractère sensible de l'histoire des peuplements quand il s'agit de revendications territoriales, ont contribué à ce découragement. Ce reflux a par ailleurs coïncidé avec un désintérêt croissant de l'Europe pour l'Afrique (surtout lorsqu'il s'agit d'investissements à long terme) et un déplacement des problématiques propres à la discipline d'une linguistique structuraliste et particulariste vers une linguistique théorisante et universaliste. L'objet de cette table ronde sera de présenter quelques thèmes de la communauté des linguistes aujourd'hui - cognition, typologie, langues en danger, contacts de langues, rôle de l'informatique - et d'esquisser les apports spécifiques des langues africaines et des linguistes africanistes dans ces domaines.