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2009 | 232
Comment l'Afrique subsaharienne s'adapte-t-elle à la crise ?
Ce numéro d’Afrique contemporaine comprend deux dossiers thématiques. Le premier traite de la fragilité et de la violence dans les pays du continent africain et, en regard, des interventions des acteurs extérieurs, au premier rang desquels les opérateurs de l’aide. Le second dossier s’intéresse à l’impact de la crise financière et économique mondiale sur le continent africain.
Raphaël Jozan et Olivier Ray
Résumé
Les mutations des sociétés africaines et les épisodes de violence qu’elles engendrent posent un défi de premier ordre à la communauté internationale. Si la conflictualité est inhérente à une société et accompagne tout processus de changement social, sa cristallisation en épisodes de violence ouverte et généralisée remet en cause de précieux acquis de développement. Les flambées...
Magali Chelpi-den Hamer
Résumé
Les processus de prévention et de résolution des conflits sont en grande partie basés sur l’idée qu’un changement positif peut être induit par des interventions ciblées et planifiées. Il faut pourtant éviter de surestimer l’impact de telles interventions. Cet article explore comment de jeunes civils qui ont été militarisés par le conflit ivoirien ont utilisé un instrument standard de réinsertion couramment employé dans les interventions internationales postconflits, en examinant les options de réinsertion offertes dans le cadre d’un projet pilote visant à réintégrer les ex-combattants. Du point de vue de ces jeunes, quels ont été les avantages et inconvénients à participer à un tel projet? Quels ont été les enjeux économiques et sociaux qui les ont motivés ? Comment utilisent-ils les perspectives de réinsertion que le projet leur propose et comment les ont-ils intégrées (ou non) avec d’autres activités plus lucratives mais en dehors du cadre du projet ? Enfin, dans quelle mesure leur participation au projet a-t-elle ou non facilité leur réinsertion sociale et économique ? L’essentiel des données est basé sur 200 entretiens semi-structurés à Guiglo et à Man, fiefs principaux des milices progouvernementales et de la rébellion à l’ouest de la Côte d’Ivoire.
Véronique Mouflet
Résumé
Relativement développée, en paix depuis des années, la province du Bas-Congo reste en marge de l’attention des acteurs de l’aide internationale en RDC car les besoins des populations locales ne correspondent à aucun agenda politique. L’article explique que les facteurs d’instabilité sont forts dans la province. Ce qui permet de comprendre que les émeutes liées au BDK (Bundu dia Kongo) en février et mars 2008 étaient prévisibles. L’étude des réactions et les analyses des acteurs internationaux présents, en l’occurrence certains bureaux des Nations unies, montrent leur inefficacité. À travers une mise en perspective du partenariat structurel entre l’ONU et le gouvernement congolais, l’auteur montre combien la politisation de l’aide humanitaire empêche toute réelle prise en compte des besoins des populations et entretient les fragilités locales.
Jérôme Tubiana
Résumé
L’aide humanitaire au Darfour s’est essentiellement concentrée dans les camps qui abritent quelque 2,5 millions de déplacés non arabes. Cependant, certaines des organisations d’aide présentes sur le terrain ont tenté d’atteindre l’ensemble des communautés touchées par le conflit, y compris des communautés arabes souvent considérées en bloc comme responsables des crimes commis au cours de la guerre. Au-delà d’un meilleur équilibre dans la distribution de l’aide, l’idée est de la mettre à contribution au profit de tentatives de réconciliation locales, de plus en plus nombreuses depuis qu’en mai 2006, la signature partielle de l’accord de paix d’Abuja a provoqué l’enlisement du processus de paix global. Cet article évoque les premiers pas d’une ONG ayant tenté d’appliquer cette approche au sud du massif du Jebel Marra, cœur géographique et historique du Darfour, et bastion de la rébellion. L’analyse révèle des décalages importants entre les réalités du terrain et les grilles de lecture les plus répandues du conflit, montrant en particulier que l’opposition générale entre des agriculteurs « africains » détenteurs de terres et des pasteurs arabes sans terres est à nuancer. Cette réévaluation du contexte ne peut qu’obliger les acteurs internationaux à s’interroger sur leurs choix : comment leur intervention peut-elle être équilibrée en faveur des différents groupes sans valider des déséquilibres issus du conflit, à commencer par l’occupation des terres des déplacés ?
Jean-Bernard Véron
Résumé
Depuis bientôt vingt ans, la Somalie est emportée par un tourbillon de violences, face auxquelles tant les leaders locaux que la communauté internationale se découvrent largement impuissants. Mêlant inextricablement causes internes, propres à l’histoire et à la structuration sociopolitique du pays, et interventions étrangères, pas toujours heureuses, la situation somalienne est aujourd’hui à ce point bloquée que d’une part aucune sortie de crise convaincante ne se dessine à court terme et que, d’autre part, les acteurs extérieurs peinent à y adapter leurs modes de faire.
Johanne Favre
Résumé
Dans l’est du Tchad, la présence des acteurs internationaux se justifie par des fragilités qui marquent le territoire depuis des décennies : dégradation environnementale, insécurité alimentaire, violence récurrente. Mais c’est une crise humanitaire aiguë, résultant des conséquences de la guerre au Darfour voisin et d’un blocage politique interne, qui frappe désormais la région. Et le paradoxe de l’action internationale est qu’elle n’apporte pas de solutions à ces fragilités : l’installation des camps de réfugiés en milieu sahélien accroît la pression sur l’environnement ; l’aide alimentaire enferme la région dans la dépendance ; les interventions militaires ne viennent pas à bout de l’insécurité. Finalement, la pérennisation de la présence internationale exacerbe les fragilités régionales : elle contribue à la démission de l’État, à la perpétuation de la guerre et au rejet de l’Occident.
Pierre Jacquemot
Résumé
L’Afrique a été durement frappée par la crise mondiale. Au départ exogène et de nature financière, cette dernière a exacerbé d’autres crises préexistantes localement. Le continent, à l’instar de la République démocratique du Congo, pays test à bien des égards, pourrait vivre des remises en cause profondes, annulant les progrès antérieurement réalisés. La crise impose des réponses à court terme avec l’appui des institutions internationales. Mais elle requiert aussi que des changements plus fondamentaux soient engagés. Elle pourrait être l’occasion à saisir par les États pour entreprendre des réformes structurelles radicales et renforcer leur gouvernance.
Philippe Hugon
Résumé
L’actualité de la crise domine les débats et tout le monde entend parler des subprimes ou du retour de Keynes. En revanche, la focalisation se fait sur l’épicentre de la crise et peu sur l’Afrique. Or, les pays africains sont fortement impactés par la crise, même s’ils le sont selon des intensités différentes du fait de leurs dynamiques plus ou moins extravertie, de leurs structures et de leurs politiques. Cet article différencie l’impact à court et moyen terme de la crise en Afrique et ses enjeux géopolitiques.
Marc Raffinot
Résumé
L’impact de la crise sur les économies africaines sera très variable. On peut craindre que les volumes de ressources extérieures se réduisent dans les années qui viennent. Mais l’Afrique dispose désormais d’une certaine marge de manœuvre, notamment du fait de l’annulation des dettes d’un grand nombre d’États et de l’espace fiscal qui en résulte, et qui a débouché sur des réductions de dette dont l’impact tarde cependant à se faire sentir. Cette crise devrait être l’occasion de repenser le système de financement extérieur des États africains. Depuis la Déclaration de Paris (2005), la question de l’efficacité de l’aide est mise au premier plan, ce qui est certainement justifié. Il n’est pas sûr toutefois que les nouvelles approches reposent sur des fondements analytiques très solides. De plus, les modalités de financement (dons, prêts) doivent être également revues pour en maximiser l’efficacité tout en évitant le retour des crises d’endettement – et ceci est particulièrement important pour les États fragiles.
Aleksandra Cimpri
Résumé
La sorcellerie est partie intégrante de la vie quotidienne des populations centrafricaines, comme ailleurs en Afrique subsaharienne. Sorciers et sorcières sont perçus par beaucoup comme un réel danger. Bien qu’ils agissent dans le domaine de l’invisible, les conséquences des actes sorciers – le malheur et la maladie – sont bien visibles et engendrent une violence. Cette violence psychique, qui maintient la population dans l’insécurité et le danger permanents est révélatrice d’une société postcoloniale en crise. Dans ce contexte de crises sociales, politiques et économiques aiguës, de paupérisation générale, des changements dus au développement, des rapports sociaux se tissent autour des discours, notamment ceux relatifs aux accusations de sorcellerie. Cette « brutalité » d’ordre invisible engendre la peur, elle-même génératrice d’une autre forme de violence, d’ordre physique envers la personne stigmatisée incarnant le mal général – le bouc émissaire. Les accusations de sorcellerie dans le contexte centrafricain aboutissent souvent à des violences extrêmes allant jusqu’à la mise à mort de la personne accusée. La violence anti-sorcellaire s’inscrit et trouve sa justification dans un contexte plus large de la lutte anti-sorcellaire, notamment au sein des tribunaux et des Églises.
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