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Egypte/Monde arabe

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2009 | 5/6

Pratiques du Patrimoine en Égypte et au Soudan

Comment et pourquoi invente-t-on du patrimoine en Égypte et au Soudan ? Quels sont les objectifs qui sous-tendent les phénomènes de diversifications et d’inflation patrimoniales qui y sont aujourd’hui à l’œuvre ? Telles sont les questions explorées dans ce numéro d’ Égypte/ Monde Arabe.
L’Égypte et le Soudan offrent des exemples remarquables de patrimonialisation. Du Caire à Siwa en passant par Alexandrie, de Naqa à Wadi Halfa en passant par Khartoum, du patrimoine archéologique, architectural et urbain au patrimoine folklorique, ethnologique et religieux, l’analyse de ces situations suggère des rapprochements stimulants. Les treize contributeurs à cet ouvrage – architectes, anthropologues, musicologues, historiens, archéologues, médiateurs – ont en commun de chercher à cerner le cheminement qui amène à tenir pour acquis l’existence et l’importance des valeurs patrimoniales attribuées à des ensembles d’objets, lieux, évènements ou traditions.
Cet ouvrage rend compte de la difficulté d’appréhension d’un sujet encore très peu exploré en Égypte et au Soudan et met en lumière une nouvelle donne patrimoniale traduisant une mutation de l'agencement des territoires et des identités. En ce sens, il apporte un éclairage inédit à propos des articulations, des décalages, voire des hiatus existants, entre « fabrication » et « pratiques » du patrimoine.
Costanza de Simone
Résumé
The main purpose of this article is to discuss the raison d’être of the future Museum of Wadi Halfa. This museum aims not only to be a place to display objects but a rescue mechanism for intangible heritage of the Nubians living in the area. It aims to reconnect them through the valorisation of heritage, with the past from which they were cut by the construction of the High Dam of Aswan. This museum is thought to be the counter-part of the Nubia Museum of Aswan (Egypt) opened in 1997. UNESCO is involved in both museums as an actor of the Nubian heritage conservation since the 1950’s. The concept proposal prepared for this museum and discussed in the article should make the Wadi Halfa museum a dynamic institution and an integral part of the Wadi Halfa community linking its past and present for a better future.
Coralie Gradel
Résumé
Cet article présente les activités de recherche archéologique de l’Université Lille III et ses implications en termes de coopération et de patrimoine au Soudan. À partir des années soixante, l’investissement au Soudan de l’Université de Lille III a d’importantes répercussions. C’est Jean Vercoutter qui, le premier, amène l’Institut d’égyptologie de l’Université à s’investir dans ce pays. Depuis, celui-ci mène différentes fouilles dans la région, en coopération à partir de 1990 avec l’unité CNRS qui lui est rattachée. Dès Jean Vercoutter, l’Université s’intéresse aux cultures locales. Ses successeurs développent une approche multidisciplinaire. Cet investissement a apporté des bénéfices conséquents en matière de connaissance du patrimoine historique soudanais, de coopération franco-soudanaise, de formation et de développement de la discipline.
Ida Dyrkorn Heierland
Résumé
The article explores agencies and interests on different levels of scale permeating the constituting, management and use of Sudan’s archaeological heritage today as seen through the case of Naqa. Securing the position of “unique” and “unspoiled sites”, the archaeological community and Sudanese museum staff seem to emphasize the archaeological heritage as an important means for constructing a national identity among Sudanese in general. The government, on the other hand, is mainly concerned with the World Heritage nomination as a possible way to promote Sudan’s global reputation and accelerate the economic exploitation of the most prominent archaeological sites. The voice and destiny of local people living near the sites is not present at the events studied here. This absence stands in striking contrast to the importance ascribed to Sudan’s past and the sites themselves by the main agencies negotiating the future of Naqa.
Iris Seri-Hersch
Résumé
Cet article examine les pratiques patrimoniales développées autour de la Mahdiyya soudanaise (1881-1898) durant le condominium anglo-égyptien (1899-1956). Tout en tenant compte de l’évolution sémantique des concepts de patrimoine et de turâth, il vise à montrer que cette période controversée de l’histoire soudanaise fut l’enjeu de processus de patrimonialisation, de dépatrimonialisation et de contre-patrimonialisation déclenchés par des acteurs aux intérêts politiques et idéologiques très divergents : les néo-mahdistes qui avaient pour objectif l’accession du Soudan à une indépendance totale ; les unionistes qui préconisaient l’union politique du Soudan avec l’Égypte ; et les administrateurs britanniques pour qui l’établissement d’un système colonial effectif impliquait l’anéantissement matériel et symbolique du régime mahdiste.
Jean-Gabriel Leturcq
Résumé
This article critically examines the political instrumentalisation of identity and cultural heritage in the Sudanese context. After 50 years of civil wars portrayed as a conflict of identities, cultural identity is supposedly being used in an opposite way. The peace implementation process following the signature of the Comprehensive Peace Agreement in 2005, invokes cultural identity for a wide societal project of reconciliation through the recognition of cultural, religious, and linguistic diversity through a policy of cultural heritage-making. Museums are being constructed and new fields of heritage, such as intangible heritage, are being created. Through the assessment of the concept of heritage as a mean of political recognition, it will be possible to understand how the Sudanese authorities, as well as dissident groups, are using the heritagemaking process as a political resource and a means for pacification or, on the contrary, for political contestation.
Aymé Lebon
Résumé
Le tremblement de terre d’octobre 1992 a révélé l’état de précarité préoccupante de la quasi-totalité du patrimoine islamique cairote. L’appel à l’aide international de 1998 et les sommes importantes drainées ont généré un essor patrimonial sans précédent. Très vite, le Conseil Suprême des Antiquités (CSA) passe de la question du « comment conserver » à celle du « pourquoi » de la conservation. Il ne faut jamais s’arrêter à la restauration des édifices historiques, puis les abandonner à leur sort. Seule une réutilisation judicieuse et respectueuse de leur caractère historique ou architectural pourrait garantir leur pérennité. La restauration n’étant pas une finalité en soi, à quoi donc peuvent bien servir tous ces monuments fraîchement réhabilités ? À travers dix-sept monuments historiques du Caire, d’Alexandrie et de province, cet article s’attache à décrypter la politique de réaffectation (i‘âdat tawzîf) des monuments historiques à des fins didactiques, culturelles ou artistiques mise en place en Égypte entre 2000 et 2008.
Thomas Fracapani
Résumé
Cet article analyse les nouvelles fonctions que jouent les opinions publiques dans le partage patrimonial et les modifications singulières qu’elles y apportent. Au travers de deux exemples tirés de l’actualité et des échanges patrimoniaux franco-égyptiens – l’opération en 2001 « les Français aiment le Caire et plus récemment « la destruction de la maison Legrain à Karnak » - cet article vise tout d’abord à faire observer le rôle crucial que jouent les médiations à destination des opinions publiques quant à l’appropriation symbolique de certains objets patrimoniaux. Cet article vise ensuite à montrer que l’opinion publique occupe aujourd’hui une double fonction de médiateur et de légataire du partage patrimonial, double fonction régulièrement utilisée au regard d’intérêts institutionnels – politiques, diplomatiques, professionnels ou économiques.
Galila El Kadi
Résumé
L’extension de la notion de patrimoine aux sites et bâtiments de la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle en Égypte a généré de nouveaux enjeux culturels, économiques et politiques spécifiques à cette nouvelle catégorie de biens communs. Les divergences d’intérêts et des perceptions qui sous-tendent ces enjeux fragilisent ce processus de patrimonialisation, remettent en question les acquis des quinze dernières années et laissent planer des incertitudes sur son avenir. Cependant, la mobilisation largement médiatisée de l’élite culturelle contre la négligence et les actes de vandalisme amène à sensibiliser de plus en plus l’ensemble de la société tant aux risques encourus par ce legs des temps modernes qu’à ses valeurs tangibles et intangibles. Enjeux patrimoniaux, conflits d’intérêt et sensibilisation sont les thèmes principaux de cet article.
Emmanuelle Perrin
Résumé
La réédition en 1999, dans une perspective patrimoniale, du Dictionnaire des coutumes, des traditions et des expressions égyptiennes (1953) par les instances officielles de la culture en Égypte offre matière à confronter cet ouvrage à la notion de patrimoine. D’une époque à l’autre, le changement de terminologie, avec le glissement des traditions au patrimoine, du national au populaire, est révélateur de la ductilité du sujet même de ce dictionnaire, lequel renvoie à la définition d’une « culture populaire » qui, en raison des critères savants, normatifs et sociaux qui la qualifient, constitue un patrimoine particulièrement ambigu. La tension entre la volonté de savoir et la volonté de détruire, entre la perspective de la conservation et celle de la réforme, entre l’attachement affectif et le détachement critique, donne au « patrimoine » décrit dans ce dictionnaire le caractère ambivalent d’un objet à la fois perdu et aboli. Ces tensions se trouvent peut-être résolues dans l’écriture même de cet ouvrage : en constituant le passé, l’écriture historique permet d’éliminer sans oublier.
Séverine Gabry
Résumé
L’étude des minorités chrétiennes en terre d’Islam est fondamentale pour la compréhension des différents processus à l’oeuvre dans ces sociétés secouées par de fortes querelles identitaires. Parmi ces minorités, la communauté copte d’Égypte (entre 6 et 10 % de la population) offre un champ d’étude privilégié. Cet article analyse dans une perspective sociologique le cas de la musique copte, essentiellement liturgique, ainsi que le discours identitaire qui s’y attache. Cette démonstration des pratiques musicales s’articule autour de la notion de tradition, dont la récurrence dans le discours des acteurs nous pousse à examiner le sens, ainsi que les moyens de diffusion mis en place pour faire de cette musique un patrimoine à part entière.
Karim Ben Meriem
Résumé
Dans le cadre d’une collaboration initiée en 2001 sur le quartier populaire de Sayyida Zaynab au Caire, entre le gouvernorat du Caire et la Mairie de Paris, une équipe de la Mairie de Paris s’est attachée à intégrer l’avenir du tissu urbain patrimonial (Qalcat al-Kabsh) à un projet urbain plus global prenant en compte un contexte urbain à la fois complexe et « dynamique », marqué par un trafic congestionné, un tissu socio-économique en pleine mutation et une situation sanitaire d’urgence. Cet avenir est envisagé dans l’optique d’un développement durable où les enjeux de mobilité et de mixité sociale et fonctionnelle sont incontournables. Présentant les résultats de ces travaux, cet article pose la question d’une véritable politique de la ville et des outils qu’elle nécessite. L’enjeu central réside alors bien plus dans l’art et la manière de transmettre cette connaissance à celles et ceux qui, par leurs fonctions et leurs mandats, la traduiront en politique urbaine.
Vincent Battesti
Résumé
Cette contribution compare les processus de patrimonialisation en deux situations différentes d’Égypte : la mégapole du Caire et l’oasis berbérophone de Siwa. Dans les deux cas, si les acteurs locaux parlent d’architecture, ils semblent parler aussi d’autre chose. À Siwa, s’invente un style traditionnel local pour le présenter aux étrangers comme un patrimoine authentique, tandis qu’au Caire est exhumé un passé architectural mal assumé, car de tradition européenne, pour le présenter comme patrimoine de droit pour évacuer « l’intrus» (les dispositions des classes populaires) de la scène cairote moderne. Si l’un des principaux modes de production du patrimoine est proprement stratégique, il faudra éclaircir ce que l’intervention sur ces architectures a pour visée. Cela ne soulève guère les passions ni ne provoque des conflits faute de combattants, pour autant, ce ne sont pas des opérations blanches...
Mercedes Volait
Résumé
Les agendas politiques et sociaux qui animent les phénomènes de ferveur ou de distinction patrimoniale sont généralement multiples et souvent imbriqués ; ils peuvent rendre paradoxaux, voire déroutants, les mécanismes de la patrimonialisation. L’invention patrimoniale de l’Égypte « Belle Époque » offre une nouvelle occasion de le constater. En scruter les registres, les rhétoriques et les ressorts permet en outre d’interroger le rôle des identités en marge dans les processus de fabrication patrimoniale.

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