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Journée d'études

Viandes et sociétés : les consommations ordinaires et extra-ordinaires

Journées scientifiques proposées par Anne-Marie Brisebarre, Anne-Élène Delavigne, Bernadette Lizet et l’Association l’Homme et l’Animal, Société de Recherche Interdisciplinaire (HASRI)
Jeudi 27 novembre 2008 | Paris

RÉSUMÉ

Cette proposition de journées d’étude émane d’ethnologues désireux d’aller à la rencontre de collègues de diverses disciplines qui disposent, certes, de la possibilité de connaître les pratiques alimentaires des groupes sociaux qu’ils étudient mais n’ont pas toujours la possibilité d’accéder directement aux logiques et significations de leurs choix. Il nous semble cependant que ces catégories des viandes ordinaires et extra-ordinaires, dans la diversité de leurs configurations internes et dans des contextes historiques et culturels variés, sont à même de susciter un dialogue entre les disciplines, les journées d’études d’HASRI ayant pour but de provoquer ces échanges interdisciplinaires.

ANNONCE

PROGRAMME

Jeudi 27 novembre

8h45-9h00 : Accueil
9h00-9h15 : Introduction

Rituels carnés et viandes rituelles

● 9h15-9h35 : Barbara Chauvet, La nourriture des morts en Mésopotamie à l’âge du Bronze : les offrandes alimentaires animales funéraires, viandes sacrées ou restes des vivants ?
● 9h35-9h55 : Nicolas Goepfert, Le lama et le cerf : dualisme alimentaire et symbolique dans les Andes centrales
● 9h55-10h15 : Marie-Luce Gélard, « Mon sel dans ton ventre ». Accord, agrégation et identité par la consommation collective de nourriture carnée dans le Sud-Est marocain

10h15-10h35 : Pause

● 10h35-10h55 : Christine Rodier, De la rareté d’une consommation à l’élaboration d’une norme : le halal ou comment l’exceptionnel devient banal
● 10h55-11h15 : Hamida Trabelsi Bacha, Ras el ˘am et Achoura. Deux fêtes carnées en Tunisie
● 11h15-11h35 : Sophie Nizard, La kappara : rite sacrificiel ou rite ordinaire ?
► 11h35-12h15 : Discussion

12h15-14h : Déjeuner

Normes et transgressions

● 14h-14h20 : Vincent Vandenberg, Pourquoi et comment manger de la chair humaine ? L’Occident face à l’anthropophagie, du Moyen Âge à l’archéologie expérimentale
● 14h20-14h40 : Jean-Pierre Goubert, Alimentation carnée, diététique et thérapeutique au temps de la médecine humorale en France (XVIIIe siècle)
► 14h40-15h00 : Discussion

Hippophagie

● 15h00-15h20 : Luminita Bejenaru, Identifications archéozoologiques de l’hippophagie dans la Moldavie médiévale
● 15h20-15h40 : Alain Dierkens, Réflexions sur l'hippophagie au haut Moyen Âge
● 15h40-16h : Carole Ferret, Hippophiles et hippophages
● 16h-16h20 : Bernadette Lizet, L’hippophagie, entre banalisation industrielle et requalification par le local
► 16h20-17h15 : Discussion

17h30 : Assemblée générale de l’Association L’Homme et l’animal, société de recherche interdisciplinaire

Vendredi 28 novembre

Cynophagie et consommation de carnivores

● 9h00-9h20 : Daniel Helmer et Jean-Denis Vigne, Observations et réflexions sur la consommation de viande de carnivores durant le Néolithique dans l'aire méditerranéenne
● 9h20-9h40 : Marie-Pierre Horard-Herbin, Le chien à la période gauloise : réflexions sur l’ordinaire de sa consommation
● 9h40-10h00 : Benoît Clavel et Alessio Bandelli, Le boucher de Saint-Quentin, à découper du chien, n’est-il pas un gredin ?
● 10h00-10h20 : Vincent Goossaert, Le chien en Chine. Qui en mange ?
● 10h20-10h40 : Christophe Serra Mallol, Manger du chien en Polynésie française
► 10h40-11h10 : Discussion

11h10 – 11h25 : pause

Système des viandes et sociétés

● 11h25-11h45 : Sarah Cabalion, Le dromadaire : animal extraordinaire et viande ordinaire ? La consommation de viande chez les Touaregs de l’Azawagh (Niger)
● 11h45-12h05 : Vladimir I. D’iatchenko et Francine David, Viandes de rennes et de moutons : leur utilisation ordinaire et rituelle dans les cultures traditionnelles des peuples de Sibérie centrale
● 12h05-12h25 : Nicolas Lescureux, La viande, c’est la santé ! (Khirghistan)
► 12h25-12h45 : Discussion partielle

12h45 – 14h15 : Déjeuner

● 14h15 – 14h35 : Sébastien Boulay, Statuts d’exception du Mulet jaune dans la société maure (Mauritanie) : gibier des pêcheurs imrâgen, viande des pasteurs nomades
● 14h35 – 14h55 : Anne-Elène Delavigne, Boucherie, supermarché ou vente directe ? L'ordinaire et l'exception dans le traitement de la viande
► 14h55 – 15h15 : Discussion

Nouvelles viandes

● 15h15-15h35 : Lluis Garcia Petit, La consommation de Gallus gallus (coq, poule, poulet…) en Europe occidentale: d’oiseau exotique à volaille courante
● 15h35-15h55 : Frédéric Duhart, L’autruche au pays du confit. Remarques sur l’introduction de Struthio camelus dans le paysage alimentaire du sud-ouest de la France
● 15h55-16h15 : Patricia Pellegrini, La médiation du sauvage pour produire une viande saine et diététique, cas du bison
● 16h15-16h35 : Jacqueline Milliet et Anne-Marie Brisebarre, Entre sécurité alimentaire, éthique et peur : premiers jalons d’une recherche anthropologique sur la viande d’animaux génétiquement modifiés
► 16h35-17h15 : Discussion

Présentation

Lorsque les humains mangent des produits carnés, ils choisissent parmi ceux qui sont disponibles, en les hiérarchisant en fonction de logiques économiques, culturelles, religieuses, gustatives, médicales... Le statut des animaux qui fournissent ces viandes, leur mode de vie (en liberté, élevés), leur régime alimentaire (herbivore, granivore, omnivore, carnivore…) et la façon dont on les tue (abattage ou chasse, sans oublier les rites liés aux croyances religieuses qui s’y rapportent, par exemple abattage rituel pour l’obtention de viande casher ou halal), ont une influence sur les représentations de ces viandes et induisent divers types de consommation, ordinaires et extra-ordinaires. Si l’ordinaire est « ce qu’on a coutume de servir pour un repas » (Littré, Dictionnaire de la langue française, 1973), les consommations extra-ordinaires de viande, sur lesquelles nous voulons attirer ici l’attention des chercheurs de différentes disciplines, sont celles qui, à un moment particulier (passé ou présent) et dans une culture donnée (européenne ou extra européenne) sortent de l’ordinaire de diverses manières qu’il faudra repérer et caractériser.

Si la catégorie des consommations ordinaires nous semble aller de soi, compte tenu des acquis de la recherche, les consommations extra-ordinaires forment une catégorie large, dont ces journées d’études permettront d’explorer les caractéristiques générales, les sous-ensembles et les frontières. Nous pouvons d’ores et déjà tenter de préciser ce que nous entendons par « consommations extra-ordinaires » à partir d’une série de qualificatifs distinctifs, dont certains se recoupent, totalement ou en partie, tandis que d’autres peuvent paraître antinomiques : si l’on se réfère à la fréquence de leur consommation, on peut dire ces viandes exceptionnelles, inhabituelles, occasionnelles, rares, marginales ; si on se réfère aux contextes sociaux de la pratique alimentaire, elles peuvent être festives, rituelles, thérapeutiques, transgressives, limites, interdites, réprouvées ; et dans une perspective diachronique : nouvelles, de substitution ou de survie ; enfin au regard des bestiaires, indigènes ou introduits, l’extra-ordinaire est « l’exotique ».

Les catégorisations habituelles des statuts des animaux consommés – domestique / sauvage, élevé / chassé – apparaissent plus flous et méritent qu’on les interroge. Car les représentations de la viande relèvent de l’idéologie autant que des techniques de production. Si la viande sauvage est d’abord celle des animaux chassés, ce qualificatif peut aussi désigner celle d’animaux non autochtones élevés : quel est, par exemple, le statut de la viande des nouveaux animaux d’élevage qualifiés de "non domestiques" par la réglementation française, tels les autruches et les bisons ? Et celui de la chair des gibiers élevés et non chassés ? Y a-t-il de vraies et de fausses viandes sauvages ?

S’il est au fil du temps et dans divers contextes culturels, sociaux et économiques des consommations nouvelles, les viandes ordinaires ont parfois connu des éclipses ou changé de statut, devenant interdites, réprouvées ou abominables. C’est le cas par exemple de l’hippophagie dans une partie des sociétés occidentales, le cheval étant devenu un compagnon de loisir. C’est aussi à cause de sa proximité de l’homme que le chien, animal familier, est immangeable et sa transformation en viande impensable pour les Occidentaux même si l’existence assez récente de boucheries spécialisées en Suisse alémanique est avérée et que des témoignages attestent de consommations de survie en temps de guerre. Cependant, dans d’autres cultures la cynophagie est considérée comme festive (Corée du Sud), identitaire et transgressive en milieu berbère ou médicinale en Chine. Les données archéologiques indiquent qu’il en fut de même dans nos cultures occidentales au Néolithique et aux Âges des Métaux. Parmi les consommations occasionnelles, certaines ont lieu dans un contexte festif particulier : c’est le cas de la viande de taureau de corrida, valorisée dans certaines places tauromachiques mais déclassée dans d’autres. Enfin le statut exceptionnel de certaines viandes peut se révéler transitoire, obéissant à des modes, tandis que d'autres conservent leur caractère extra-ordinaire. Quelles sont donc les raisons culturelles, sociales, économiques qui font passer une denrée carnée d'un statut à un autre?

Cette proposition de journées d’étude émane d’ethnologues désireux d’aller à la rencontre de collègues de diverses disciplines qui disposent, certes, de la possibilité de connaître les pratiques alimentaires des groupes sociaux qu’ils étudient mais n’ont pas toujours la possibilité d’accéder directement aux logiques et significations de leurs choix. Il nous semble cependant que ces catégories des viandes ordinaires et extra-ordinaires, dans la diversité de leurs configurations internes et dans des contextes historiques et culturels variés, sont à même de susciter un dialogue entre les disciplines, les journées d’études d’HASRI ayant pour but de provoquer ces échanges interdisciplinaires. Les communications seront sélectionnées sur leur caractère novateur, les auteurs devant s’attacher à expliciter leur démarche et leurs concepts, et à mentionner leurs sources afin que les points de vue puissent être confrontés et que des comparaisons puissent se faire, dans le temps et dans l’espace.

Comité scientifique

  • Marie Balasse (Centre national de la recherche scientifique, UMR 5197 « Archéozoologie, histoire des sociétés humaines et des peuplements animaux »)
  • Anne-Marie Brisebarre (Centre national de la recherche scientifique, UMR 7130 « Laboratoire d’anthropologie sociale »)
  • Anne-Elène Delavigne (Muséum national d’histoire naturelle, UMR 5145 « Eco-anthropologie et ethnobiologie »)
  • Jean-Pierre Digard (Centre national de la recherche scientifique, UMR 7528 « Mondes iranien et indien »)
  • Marie-Pierre Horard-Herbin (Université de Tours, UMR 6173 « Cité, territoire, environnement et société »)
  • Bruno Laurioux  Département Sciences humaines et sociales)
  • Christine Lefèvre (Muséum national d’histoire naturelle, UMR 5197 « Archéozoologie, histoire des sociétés humaines et des peuplements animaux »)
  • Bernadette Lizet (Muséum national d’histoire naturelle, UMR 5145 « Eco-anthropologie et ethnobiologie »)
  • Colette Méchin (Centre national de la recherche scientifique, UMR 7043 « Cultures et sociétés en Europe »)
  • Georges Métailié (Centre national de la recherche scientifique, UMR 8560 Centre Alexandre Koyre, Histoire des sciences et des techniques »)
  • Noëlie Vialles (Collège de France, UMR 7130 « Laboratoire d’anthropologie sociale »)
  • Jean-Denis Vigne (Centre national de la recherche scientifique, UMR 5197 « Archéozoologie, histoire des sociétés humaines et des peuplements animaux »)
 

Lieu

Paris Amphithéâtre d’entomologie, Muséum national d’Histoire naturelle, 43 rue Buffon

Dates

Jeudi 27 novembre 2008
Vendredi 28 novembre 2008