Colloque international organisé par l’Université de Lyon (ENS LSH-LARHRA), l’IUFM de Lyon, l’INRP/service d’Histoire de l’Education, le CERLIS/Université Paris Descartes
Cette approche s’inspire de l’histoire comparée tout en mettant davantage l’accent sur les contacts et les circulations entre différentes parties du monde. Elle repère les emprunts, les adaptations, les phénomènes d’hybridation socialement situés. Elle permet de travailler sur la notion de « transfert culturel » et sur les mécanismes d’acculturation différenciée.
Par ailleurs, depuis le début des années 1990, les travaux scientifiques se sont multipliés sur l’enseignement colonial dans les différentes parties de l’Empire français comme sur l’enseignement du fait colonial en France, sans pourtant que ces recherches entrent toujours en résonance les unes avec les autres. Le sujet est doublement sensible. Au premier chef parce que la « mission civilisatrice » dont l’école fut l’un des principaux volets a servi à légitimer – dans les colonies comme en métropole – l’entreprise de conquête et de domination ; également parce que les élèves d’aujourd’hui en France sont pour partie des descendants des anciennes populations colonisées. Par conséquent, ce colloque souhaite renouveler la réflexion sur les relations entre enseignement et colonisation en proposant un changement d’échelle et de perspective. En mettant en relation les connaissances produites sur l’Afrique, l’Indochine, les pays du Maghreb, le Levant, la Nouvelle-Calédonie on tentera une histoire « connectée » attentive aux circulations (des discours, des programmes, des enseignants, des pratiques pédagogiques, des élèves), aux transmissions entre les régions colonisées et la métropole, comme entre les régions de l’Empire. Il s’agira ainsi d’appréhender la question de l’enseignement dans sa dimension impériale c’est-à-dire d’envisager les discours et les pratiques dans les différents territoires dominés en les comparant. En examinant aussi les mécanismes qui relèvent du fonctionnement de l’institution scolaire d’une façon générale (entreprise de sélection, de formatage des esprits et des corps, de « reproduction » sociale) et les caractéristiques propres à l’enseignement colonial dans les différents territoires sous domination française, on s’interrogera sur la spécificité coloniale, à partir de situations concrètes d’enseignement.
Ce colloque est organisé sous la forme de deux journées consacrées aux contributions scientifiques, suivies par une journée « formation » à destination des professeurs du second degré sur l’enseignement en situation coloniale et sur l’histoire coloniale. La première journée scientifique sera centrée sur les aspects politiques et culturels du sujet, la seconde mettra l’accent sur une histoire sociale des acteurs, colonisateurs et colonisés.
Un premier axe de réflexion souhaite revenir sur la « mission civilisatrice » sous l’angle de l’assimilation et de « l’adaptation » de l’enseignement au « milieu indigène » tel qu’il est pensé par les colonisateurs, sur la confrontation entre discours et pratiques, sur la pédagogie en situation coloniale et sur la violence culturelle qu’elle suppose. Dans le prolongement des travaux de Francine Muel-Dreyfus (1977) à propos de l’école républicaine, de Fanny Colonna sur l’Algérie (1975), d’Alice Conklin (1997) ou de Gary Wilder (2005), on s’intéressera aux textes politiques, aux programmes et aux pratiques pédagogiques, aux matières « classiques » (langue française, histoire, géographie, sciences) mais aussi à l’ensemble des activités menées dans le cadre scolaire afin de transformer les modes d’être (ethos) des colonisé-e-s : le chant, le sport, les activités artistiques, ménagères, manuelles d’une manière générale. Les textes sur l’enseignement, qu’ils proviennent des missionnaires ou des instances gouvernementales, seront confrontés aux réalisations concrètes, aux dispositifs qui furent mis en place, aux moyens effectivement affectés à l’action et aux résultats obtenus. On reviendra également sur la chronologie de l’enseignement colonial et sur la notion de « système » éducatif pour désigner une politique qui, si elle fut fondée sur un certain nombre de grands principes, semble se caractériser par les improvisations locales et les distorsions entre la rhétorique des déclarations et les mesures mises en œuvre
Un deuxième axe de réflexion souhaite mettre l’accent sur les acteurs et les actrices et sur la confrontation coloniale en milieu scolaire. On travaillera sur les parcours et les expériences professionnels et personnels des administrateurs, missionnaires, inspecteurs, enseignant-e-s – qui, pour nombre d’entre eux, ont exercé dans plusieurs régions (à l’échelle nationale et impériale) durant leur carrière – et ont contribué à la circulation des modèles et des pratiques. On réfléchira à leur marge de manœuvre, à leurs relations avec leurs élèves qui, dans certains cas, se sont prolongées après leur départ (pour une autre région ou pour la métropole), à la façon dont ils et elles ont exercé leurs fonctions. On reviendra là encore sur la « mission civilisatrice » et sur le couple « émancipation/coercition » qui la fonde. Les expériences scolaires des colonisé-e-s seront donc étudiées. Ce colloque voudrait comparer les phénomènes d’exclusion, d’appropriations et de recompositions identitaires provoqués par le passage, plus ou moins long, sur les bancs de l’école française. Des institutions scolaires, des groupes d’élèves, des parcours individuels pourront être analysés, dans la mesure où les acteurs et leurs logiques seront privilégiés.
Enfin, la question de l’enseignement du fait colonial en France sera abordée dans le cadre d’une journée de formation organisée par l’IUFM à destination des enseignants du second degré. Cette journée sera organisée en deux temps : une matinée d’interventions scientifiques portant précisément sur le traitement de certaines questions liées à l’enseignement en situation coloniale, une après-midi d’ateliers pédagogiques.
Les organisateurs du colloque se sont fixés trois priorités :